Les douanes et la société Valenergol se sont opposés hier
devant la barre du tribunal d'instance
d'Agen.
L'audience a vu le droit fiscal s'opposer au idées
écologistes
PHILIPPE BELHACHE Sud Ouest
21 / 09 /2001
Deux logiques se sont
affrontées hier à la barre du tribunal d'instance d'Agen. D'un côté l'administration des douanes
réclamant la mise en oeuvre d'une législation stricte en matière d'application
de la taxe intérieure (TIPP) ; de l'autre la société Valénergol et ses cogérants
Alain Juste et Alain Bedouret, qui mettent en avant le progrès et l'écologie.
Une passe d'arme qui n'a pas encore trouvée d'issue, suivie par une vingtaine de militants écologistes, venue soutenir
les deux promoteurs de l'huile de tournesol.
Ces derniers se voyant réclamer 7 508,88 euros (49 255 F) de TIPP pour
10 000 litres de carburant vendus en 1997.
Le président du tribunal
Hervé Leclainche a pris le temps de poser les choses, rappelant l'activité de
la petite société de Pont-du-Casse, spécialisé dans la valorisation des
produits agricoles issus du Tournesol. Une partie de leur production est commercialisée
sous forme de tourteaux destinée à l'alimentation animale, l'autre sous forme
d'huile végétale brute, que les deux hommes ont souhaité travailler comme
carburant. C'est sur ce dernier point
que les services des douanes ont tiqué : l'expérimentation était menée sans
autorisation des ministères concernés, et ne bénéficiait pas, au contraire de
celles menées sur l'ester d'huile de colza ou de tournesol, d'exonération de la
TIPP au tire d'encouragement au développement des bio-énergies. Cette taxe est aujourd'hui réclamée à la
société. Le président Leclainche le
rappelait en préambule : les deux hommes savaient dans quel cadre ils opéraient,
prévenus qu'ils étaient dès 1995 que l'exonération attendue n'était pas
accordée.
PAS DE MARGE
L'inspectrice représentant
les douanes, Dominique Daas, s'est longuement expliquée sur ce point,
soulignant qu'aucune disposition légale n'était remplie pour la menée des
expériences des deux hommes. « Les ministères
de l'environnement, de l'agriculture et de l'industrie, doivent donner un avis, qui est transmis au ministère du budget
qui seul a autorité. Aucune procédure n'est en cours. » Avant de
revenir sur la question de fond :
« Certes, l'appellation subsiste, mais
la TIPP est une taxe exigible non pas
sur les seuls hydrocarbures, mais sur l'ensemble des produits des à la
carburation. Elle reconnaissait la démarche des deux hommes comme « sympathique », mais rappelait que cette
réglementation existait , pour protéger
l'usager, et préserver l'environnement.
» Un dernier argument qui a déclenché l'hilarité du comité de soutien de
Valenergol, mais quelle a réitéré sans se démonter, soulignant les méfaits de l'huile végétale brute
en termes de pollution, certes moindres que ceux liés aux hydrocarbures, mais
avérés. Pour la jeune femme, l'infraction
étant constituée, les textes en vigueur ne donnait « aucune marge de manœuvre ». Elle a demandé au tribunal d'entrer en
voie de condamnation, demandant le paiement des taxes et celle d'une amende
égale à ce montant. Le procureur s'en
est remis à ces demandes.
POT DE TERRE CONTRE POT DE FER
Face à ces arguments, la
défense a adopté une stratégie tout autre.
Les deux hommes, interrogés par le président Leclainche, avaient invoqué
une inégalité devant la loi, évoquant les exceptions faites sur l'ester de
colza. Leur défenseur bordelais, Me Boulanger, a lui axé la plaidoirie sur
le décalage existant selon lui entre la politique « électoraliste » de l'État en matière d'environnement et son application
sur les faits. Il a mis ses clients
dans la situation du pot de terre contre le pot de fer pétrolier, indiquant,
citant un article de presse, que la commission chargée de statuer sur
l'exonération de TIPP était constituée pour moitié d'industriels du pétrole, et
pour moitié de fonctionnaires des douanes. «Les
grands groupes d'un côté, deux bricoleurs
développant un projet simple de l'autre. » Avant d'insinuer que même les
fonctionnaires des douanes pouvaient se trouver intéressés à l'affaire, un
millième des sommes perçues leur revenant selon lui sous forme de prime. Un millième d'une manne chiffrée toujours selon
lui à 140 milliards de francs. Il a plaidé
la relaxe.
Avant de statuer sur le
fond, le tribunal aura également a examiné les exceptions de nullité avancées
par la défense d'Alain Juste et Alain Bedouret. Le délibéré sera rendu le 18 octobre.
Alain Juste et Alain Bedouret (à droite sur notre clic4é) seront fixés
sur leur sort et celui de Valenergol le 18 octobre prochain (photo archives Jean-Louis Borderie, « Sud-Ouest »)